Hi, I'm Lisa

Accepter son corps est une bien grande injonction pour des adolescentes soucieuses du regard de l’autre, en quête de reconnaissance et d’approbation permanente, et si je leur fais remarquer que c’est par là qu’il faut commencer, je n’oublie pas de mentionner que c’est difficile, même pour des adultes comme moi. Alors nous partageons quelques rituels pour habiter son corps, pour le remercier d’être sain et en bonne santé, de nous permettre d’expérimenter la vie et toutes ces expériences, nous nous relions à nos sens, et partageons nos recettes bien-être. « Mais, madame, est-il possible de s’accepter entièrement ? » Nous réfléchissons ensemble, pour parvenir à la conclusion que si c’est une belle aspiration, cela peut être difficile au vu de ce corps qui ne cessera de changer au cours de notre vie, et qu’il nous faudra apprivoiser. Je leur parle ainsi du Wabi-sabi, un concept japonais, esthétique et spirituel qui nous rappelle que la perfection n’est pas la beauté, et que c’est le temps qui passe qui façonne la beauté. La dysmorphophobie est un trouble mental touchant de plus en plus d’adolescents qui portent sur leur corps un regard sévère, loin de la réalité et de ce que les autres peuvent percevoir. Les réseaux sociaux ont bien sûr leur responsabilité là-dedans : la course à la perfection, à la comparaison insensée et aux filtres pour altérer la réalité n’aide pas les adolescents en quête d’amour. Il est donc essentiel d’accueillir leurs préoccupations sans les juger afin d’enrayer ce souci excessif de l’apparence.

La puberté n’est vraiment pas une période facile, et si certains auraient parfois envie de redevenir des adolescents insouciants (vraiment ?!), je ne suis pas sûre que beaucoup regrettent ce tsunami hormonal qui nous tombe dessus à ces âges. Il est important que les adultes prennent la pleine mesure de ce qui se joue aux niveaux physique et émotionnel pour ces jeunes en pleine transition afin de les accompagner au mieux, avec douceur et beaucoup de compréhension pour qu’ils puissent traverser cette période le plus sereinement possible. Mon rôle tient bien souvent à les rassurer, à compatir avec elles et à rire de nos échanges. Nous tentons de transformer ce défi de taille en une épreuve de plus à surmonter avec beaucoup de légèreté et de prise de hauteur, car oui, ce n’est que passager. Le corps, l’apparence et la beauté sont au cœur de nos échanges, mais il s’agit aussi de sujets d’actualité qui cristallisent beaucoup d’injonctions, d’angoisses et de jugements, alors il me paraît impératif d’ouvrir des espaces sécures pour qu’ils puissent verbaliser leurs inquiétudes ; et c’est l’idée de nos échanges, d’accepter d’osciller pour un temps encore entre ces deux mondes que sont l’enfance et l’âge adulte, passant parfois du rire aux larmes, pour le meilleur.

Ils m’attendrissent toujours quand ils verbalisent des vérités avec tant d’insouciance. Il faudra leur expliquer en effet que peut-être, les parents ne sont pas les plus objectifs pour donner leur avis au sujet de leurs enfants, mais ils les regardent avec les yeux de l’amour et perçoivent ainsi toute la beauté de leur être, au-delà de ce que la majorité des personnes pourraient voir. Trop d’enfants grandissent sans avoir entendu une seule fois des adultes qui les entourent qu’ils sont beaux, intelligents et précieux pour le monde. Et même si les adolescents font comme s’ils n’entendaient pas, comme si cela les énervait ou qu’ils doutaient de la sincérité de ces paroles affectueuses, ne nous arrêtons pas pour autant de le leur dire. Il n’y a jamais trop de mots d’amour quand ils sont prononcés avec authenticité et je rencontre beaucoup d’adultes encore affectés par des paroles de malédiction reçues dans leur enfance. Les mots peuvent blesser, mais ils peuvent aussi réparer. Ne soyons donc pas radins, offrons des paroles de bénédiction aux enfants, comme des bonnes fées qui se pencheraient sur leurs berceaux pour leur offrir toutes les ressources qui pourront les aider sur leur chemin.